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Des larmes, des scientifiques et des bébés…

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Couv Pleurs_coleresN.inddLorsque j’ai découvert les ouvrages d’Aletha Solter, je me suis à la fois sentie séduite par cette idée de fonction excrétoire des larmes des bébés, de leur besoin de pleurer pour se décharger, se réparer mais mal à l’aise avec la méthode «  je laisse pleurer dans mes bras, en regardant bien dans les yeux, sans bercer, ni caresser, ni chanter, ni rien  « d’artificiel »…. » (ceci est ma façon de résumer)

Un article récemment lu de Cerveau et Psycho « Pourquoi pleurons-nous ? »  (article payant pour le lire en totalité) remet en question certains des propos scientifiques proposés par Aletha Solter.

La justification scientifique 

Aletha Solter, dans « Pleurs et colères des bébés » nous parle de l’expérience du Dr Frey au milieu des années 80, comme une des bases de son point de vue.

« Il [le Dr Frey] a payé des volontaires pour qu’ils assistent à un film triste et recueillent ce qu’il a appelé leurs larmes d’émotion. (…) Par ailleurs, il a recueilli des mêmes sujets des larmes « d’irritation » provoquées par des émanations d’oignons coupés. Procédant ensuite à des analyses biochimiques des deux types de larmes, il a découvert que leur composition chimique est différente. Ce qui signifie que quelque chose d’unique se produit lorsque nous pleurons.

D’autres analyses effectuées par le Dr Frey ont révélé la présence de certaines substances liées au stress dans les deux types de larmes. L’une d’elle est la corticostimuline (ACTH) qui stimule la production de glucocorticoïdes. Il est donc possible que répandre des larmes aide à réduire les quantités excessives d’ACTH et autres substances qui s’accumulent dans l’organisme à la suite d’un évènement stressant ; ce qui peut avoir pour conséquence de prévenir l’accumulation de glucocorticoïdes. Ainsi, pleurer pourrait-être comparable à d’autres processus physiologiques tels qu’uriner, déféquer, expirer, menstruer et transpirer, qui ont tous pour but d’éliminer des déchets organiques. (…) »

 

L’idée me plait, j’aime la science, et je trouve cela joli comme image pour nos larmes. Mais j’aime bien me renseigner, fouiner, surtout lorsque l’argumentation de départ est scientifique. J’ai alors lu l’article de Chip Walter dans Cerveau et Psycho cité plus haut. Et l’hypothèse biologique d’Aletha Solter est  mise à mal…

 

« W Frey a suggéré que pleurer permettait au corps d’éliminer une partie des molécules libérées quand nous ressentons de fortes émotions.(..) Mais tous les scientifiques ne partagent pas cet avis. Est-ce vraiment parce que les larmes éliminent un excès d’hormones que l’on est soulagé d’avoir pleuré ? Non, car les canaux lacrymaux ne sont pas assez gros ni assez efficaces. Même des pleurs prolongés n’évacuent qu’environ un dé à coudre de larmes chargées en hormones. Par conséquent, un autre mécanisme serait responsable du soulagement que nous ressentons quand nous pleurons. »

 

Je trouve la théorie développée ensuite par A Zahavi (biologiste à l’université de Tel Aviv, 1975) très intéressante. En considérant l’évolution de l’Homme depuis les premiers hominidés jusqu’aux hommes modernes, nous avons, entre autres, considérablement complexifié notre communication en favorisant les traits du visage liés aux émotions, le langage corporel, le langage verbal… Pourtant les larmes devaient dans des temps très anciens nous fragiliser en nous rendant aussi vulnérable que troublés de la vision.

« [Zahavi] a conçu une théorie selon laquelle les comportements et les traits des animaux, apparemment nuisibles pour la survie, sont en fait utiles. (…) Pourquoi une gazelle, lorsqu’elle sent un lion attaquer, bondit elle en l’air au lieu de s’enfuir ? *

Ces traits et ces comportements sont des exemples de ce que Zahavi a appelé « principe du handicap ». A première vue, ils ont un coût élevé – ils nécessitent de l’énergie et des ressources – et attirent l’attention . Néanmoins ils transmettent aussi d’importants messages. (…)

Les larmes auraient une fonction similaire pour notre espèce. Elles se remarquent et elles sont coûteuses. Mais comme elles n’apparaissent que chez une personne qui ressent de profondes émotions, elles ne sont pas faciles à simuler. Elles envoient un message clair : mes sentiments sous-jacents sont réels et, par conséquent, doivent être pris au sérieux. Les larmes révèlent notre état le plus vulnérable, indiquent que toutes nos défenses se sont effondrées. Les liens émotionnels intenses qui se forment en partie grâce aux pleurs auraient permis aux communautés humaines de s’allier plus efficacement que cela n’aurait été le cas autrement. »

 

L’importance de l’intention

Dans ce même ouvrage, Aletha Solter nous dit:

« En résumé, les choses importantes à accorder à un bébé qui pleure sont le contact corporel, le contact visuel, l’encouragement verbal qui le rassure et une écoute sans limite »

Même si je suis tout à fait d’accord avec le fond (le besoin d’écoute et d’accueil du bébé qui pleure), la forme me pose un problème ; ce serait donc la seule façon d’accueillir les pleurs d’un bébé : dans les bras, les yeux dans les yeux avec des encouragements verbaux. C’est selon moi se priver de bien des nuances humaines d’une part, et des limites parentales d’autre part ( « écoute sans limite »)…. Mais surtout ignorer le pouvoir de l’intention, de l’intentionnalité dirait plus précisément la sophrologue que je suis.

« Dans quelle intention suis-je face aux pleurs de mon bébé ? »

Si je me sens dans une dynamique d’accueil et d’écoute, pourquoi ne pourrais-je pas simplement prendre mon bébé contre moi, donc sans le regarder dans les yeux,une main sur ses reins et l’écouter , centré-e sur lui ? Ou encore le bercer par moment ? L’accompagner par des caresses ponctuelles parce que je sais que ça lui fait mal ?

Si je suis dans une véritable intention d’accueil, automatiquement je vais user d’autres atouts (fredonner- caresser-bercer…) avec parcimonie. Parce qu’effectivement beaucoup de caresses ou de bercements ne sonneront pas juste avec cette intention d’entendre ce que le bébé a à dire avec ses pleurs.

Finalement, j’avais, je crois, juste envie d’apporter un peu de nuances à la « Méthode Solter », car tout comme il n’y a pas une bonne façon d’éduquer nos enfants, il n’y a pas une seule manière valable pour accueillir leurs chagrins. Cependant, tout comme Aletha Solter, je crois qu’il se passe « quelque chose d’unique » quand nous pleurons, tant au niveau de notre biologie, de notre énergie que dans nos relations aux autres, et que ces pleurs ont besoin d’être accueillis, entendus, et surtout exprimés.

Alors oui à l’accueil des pleurs des bébés, des enfants, des ados, des adultes, de TOUS, mais de la façon qui nous semble juste, alignée avec ce que nous sommes et ce que nous sommes en capacité de  donner à ce moment-là. 

Et vous, comment vous gérez les pleurs de vos enfants?

 

*pour celles et ceux qui voudraient savoir quel avantage a la gazelle à sauter avant de courir, voici l’explication : « elle perd de précieux instants qu’elle aurait pu utiliser pour distancer son prédateur. Mais le bond signifie aussi : «  Je suis rapide et je peux sauter si haut que tu ne pourras jamais m’attraper, ne gaspille pas ton énergie » Souvent le lion prêt à attaquer intègre le message, effectue une analyse rapide du rapport coût-bénéfice, et s’éloigne à la recherche d’une proie moins vigoureuse »



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